Les réverbères pissent une lumière blafarde, son sourire s'est éteint. Il est là, penché et pouilleux au-dessus du reste d'un souvenir qu'il se garde. Il aurait voulu la connaître cette époque glorieuse où tout roulait sur un chemin bien droit. Il aurait aimé croiser ces glorieux héros à la fausse armure d'or et aux rires éclatants. Mais rien. Et dans sa nuque, ça lui gratte, ça cicatrise progressivement, et même si on le cherche à travers cette ville de malheur, il sait que d'ici quelques jours, il sera oublié. Au fond, il crèvera sans doute. Au fond, il fera rien pour faire tomber le règne des glorieux rois de ce monde oublié. Jadis, lui a-t-on dit, les pays jonchaient la planète bleue. Jadis, les voyages se faisaient à bord d'avions, de voitures. Pourtant, et maintenant que tout a été regroupé en une seule carcasse, il n'est de lieu que la grande Néo. Derrière son espoir se dissimule l'amertume, et face à l'affiche des êtres de ce temps passé, il recommence à gratter, gratter encore le reste de sa puce implantée. Du bruit, une goutte qui claque, ses chaussures vrillent sur le bitume et il repart jusqu'à s'en décrasser ses poumons poisseux. Il butte, il s'arrête, se laisse glisser le long d'une poubelle. Il veut y croire, juste encore assez pour se dire que c'est pas terminé. On enlève pas à un môme la rêverie, sinon il claque. On s'approche, on va l'attraper. Pas vraiment pourtant, c'est qu'une vieille carne, la barbe mal taillée, un oeil crevé par les malchances du présent. « T'fous quoi ici gamin ? » Il papillonne des cils, il sue dans ses haillons, il s'arrache un rictus. « Overwatch. » Ses doigts osseux tremblent sur le papier. Le vieux se baisse, accroupi devant la génération brisée, il lui souffle à la gueule les restes d'un cigare déjà entamé. « Laisse pas tomber, ça fait que commencer. »